Des Écrits pour Défis ou simplement pour m'amuser :p

- Regardes la route Sarah … soupira Milène, épuisée. Elle bailla. Doucement, elle tourna la tête et regarda le cadran sur le panneau de bord. Un gros 1h54 a.m. y scintillait. Son amie, pas fatiguée du tout, était encore dans l’ambiance de fête qu’elles venaient de quitter. Si bien que la voiture zigzaguait légèrement. Sarah, la conductrice, éclata de rire en disant :

- Ah, ne fais pas cette tête. Et tu l’as la vu ta tête? On aurait dit que tu viens de perdre au tournoi de catch avec un oiseau …

Un sourire apparut sur les lèvres de Milène. Les comparaisons de Sarah étaient souvent … hum … étranges. Amusée, la jeune fille répondit :

- Un oiseau dis-tu? Toi je suis certaine que t’as pris un verre de trop … Non mais sérieusement, je ne veux pas me retrouver au fond du ravin d’accord?

Sarah haussa les épaules mais pour faire plaisir à son amie, elle reporta son regard azur sur la route faiblement éclairée. C’est alors qu’une ombre passa devant leur voiture. Sarah, surprise, se tourna vers l’endroit où la chose avait disparu en criant :

- Mais t’as vu ça?

Milène était figé. Le hurlement ne voulut pas franchir ses lèvres. Son regard était fixé sur un point précis. Un gémissement parvint à sortir de sa bouche. Et ce fut l’impact. Sarah, n’ayant pas attaché sa ceinture, fut éjectée de la camionnette. Milène se frappa durement le crâne contre la vitre et elle s’affaissa. Pendant quelques instants, ce fut le brouillard. Qui était-elle? Que s’était-il passé? Puis l’air frais qui s’engouffrait par les vitres brisées lui rendit un peu de lucidité. Le vent chantait son nom d’une façon lugubre.

- Milène … Milène … Milène …

Est-ce l’ange de la mort, pensa la jeune fille, toujours affaissée sur son banc. Lentement, les voix se soudèrent pour en devenir une, et la chanson devint un hurlement désespéré :

- MILÈNE!

L’adolescente ouvrit les yeux. Avec difficulté, elle détacha sa ceinture, prit son portable et l’ouvrit. Les chiffres dansaient devant ses yeux. Au prix d’immense effort, elle tapa sur le 9, puis le 1 et finalement encore le 1. La sonnerie lui perça les tympans, comme si quelqu’un lui jouait de la trompette juste à côté. Une voix de femme se fit entendre :

- Police secours quelle est l’urgence?

Milène souffla :

- Accident … environ 2 kilomètres après la rue Divon … aidez-nous … s’il vous plait …

Le téléphone cellulaire tomba et elle n’eut pas la force de se pencher pour le ramasser. Le hurlement se fit encore entendre :

- MILÈNE, MILÈNE, MILÈNE!

La voix se changea et la jeune fille y reconnut celle de Sarah. Avec les forces qui lui restaient, elle sortit de la voiture ou de ce qui en reste. À genoux sur le sol, elle avança vers la voix. Son amie criait son nom, l’appelant à l’aide, la suppliant de la sauver. Cette voix venait du ravin. Terrifiée, Milène se pencha sur le bord et vit sa meilleure amie, accrochée à une racine d’arbre qui pendait là. Et elle était à deux doigts de lâcher prise et de s’écraser une centaine de mètre plus bas, où l’attendaient des rochers à l’aspect meurtrier. Sarah, en la voyant, cria :

- Milène, s’il te plait … aide moi!

L’interpellée, avec l’énergie du désespoir, se coucha et passa les bras par-dessus le bord de la falaise. Elle s’étira, s’étira, s’étira, jusqu’à une douleur aux côtes ne lui permette plus d’aller plus bas. Elle tendit ses mains, essayant d’agripper celles de Sarah. Milène dit avec des sanglots dans la voix :

- Je … vais t’aider, ne … t’inquiète … pas …

On entendait les sirènes de police et d’ambulance. Mais Milène ne les entendait pas. Son regard était encré dans celui de son amie. Les deux êtres inséparables depuis qu’elles avaient 6 ans. Celles qui faisaient tout ensemble. Les deux sœurs. Milène toucha le bout des doigts de Sarah. Elle ignora la douleur et étira un peu plus sa main droite. La racine lâcha soudainement et Milène agrippa de justesse une des mains de son amie. Lentement mais sûrement, Milène sentit avec horreur son propre corps glisser vers l’avant. Sarah comprit la situation et une étincelle s’alluma dans son regard. Elle plongea ses yeux dans ceux larmoyants de la jeune fille. Milène, en comprenant ce que son amie avait en tête, hoqueta :

- Je … ne t’abandonnerais pas Sarah … jamais …

Sarah eut la force de faire un maigre sourire. Puis leurs mains se séparèrent tandis que le cœur de Milène éclatait en morceaux. Sa voix jusqu’alors enrouée cria un seul mot qui exprimait toute l’horreur de ce qui se passait :

- NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON!

Elle vit le corps de son amie tomber, tomber et tomber. Puis … son réveil sonna. Milène, collante de sueur, se redressa en hurlant, se prenant la tête. Elle hurla à s’en casser les cordes vocales. Toujours ce même rêve. Depuis maintenant onze nuits, elle revoyait la scène fatidique où le lien entre elle et Sarah s’était rompu pour toujours. Milène enfouit son visage dans un de ses coussins et continua à hurler jusqu’à ce que sa voix s’éteigne pour être remplacée par des sanglots incontrôlables. Le regard azur et les doigts froids de Sarah flottaient encore dans son esprit.

La porte de sa chambre s’ouvrit. Une main douce vint lui caresser les cheveux, le cou et le dos. Quand ses pleurs se furent calmés, Milène parvint à articuler :

- J’aurais dû l’avertir plus tôt …

La personne souleva le menton de la jeune fille et celle-ci put voir le regard triste de sa mère. Héléna dit d’une voix douce :

- Tu ne pouvais pas savoir ce qui se serait passé après …

Héléna lui caressa les cheveux. Milène lui répondit :

- Alors j’aurais dû tomber avec elle.

Et sa voix se cassa, laissant la place à un autre flot de larmes. Ferme, sa mère la prit par les épaules et déclara :

- Ne dis pas ça. Tu es en vie. Ne dis plus jamais des choses comme ça compris!?

Ses mains tremblaient. Milène se dégagea avec violence. Elle empoigna son coussin et le jeta sur sa mère et hurla ;

- Dégage, je veux plus te voir!

Héléna, surprise, se leva. Avant qu’elle ait franchi la porte, elle entendit sa fille dire :

- C’est ma faute. Elle, elle aurait dû vivre. À cause de moi, elle est morte!

La porte claqua et Milène enfouie encore une fois son visage dans un de ses coussins restants. Derrière la porte fermée, Héléna se laissa glisser lentement contre le mur et se retrouva en position assise, la tête contre ses genoux. Jamais sa fille ne lui avait parlé ainsi, jamais. Elle ne l’avait jamais vu comme ça non plus. Jean, qui montait pour voir si tout allait bien après avoir entendu crier, retrouva sa femme dans cette position. Il l’aida à se relever et tous les deux, descendirent. Héléna s’assit sur une des chaises de la cuisine et son mari commença à lui préparer une boisson chaude. Finalement, la mère de Milène craqua. D’une voix entrecoupée de sanglots, elle dit :

- Elle m’a hurlé dessus et m’a ordonné de partir. Elle s’en veut. Elle croit que c’est de sa faute. Je ne l’ai jamais vu comme ça, elle qui est si optimiste et souriante …

Son mari s’assit devant elle et lui prit les mains. Il déclara ensuite :

- Elle s’en remettra, tu l’as connais non?

Héléna le fixa directement dans les yeux et dit, totalement dévastée :

- Non Jean. Non.

Elle pencha la tête sur le côté et dit :

- Notre fille est morte avec Sarah …

Milène ne sortit de sa chambre que pour prendre sa douche et aller dans la salle de bain. Pendant deux semaines, elle ne mangea pas beaucoup, voir pas. Toutes les nuits, même plusieurs fois, elle se réveillait en hurlant le nom de son amie. Sa mère venait toujours essayer de la réconforter. Mais à toute ses tentatives, elle ne recevait qu’un regard brisé ou bien un mot qui lui disait clairement de dégager. Elle ne recevait plus aucune visite de ses autres amis. Ceux-ci en avaient marre de la voir dans son coin, immobile, le regard vide. Puis un jour, Héléna en eut vraiment assez de tout cela. Elle monta et ouvrit la porte de la chambre de sa fille. Elle y découvrit celle-ci roulée en boule sur son lit, les yeux fermés. Sa mère se planta devant son lit et dit :

- Maintenant, tu vas m’écouter. On n’en peut plus. Tu es en train de ruiner ta vie Milène! Bouge, fais quelque chose.

Elle n’obtenu comme réponse qu’un haussement d’épaules.

- Bon, là, c’est assez …

Elle prit l’épaule de sa fille dans l’intention de la secouer un peu. Milène se mit à se débattre comme un animal apeuré. Elle frappa sa mère sans s’en rendre compte. Celle-ci recula, tremblante. Elle regarda sa fille continuer de se débattre. Milène se mit à hurler :

- Non! Sarah, non!!!!!!!!!!!!!

Milène se prit la tête à deux mains et Héléna eut peur qu’elle ne s’arrache les cheveux. Pendant ce temps, la jeune fille continuait à débiter des paroles plus ou moins cohérentes :

- Je t’ai abandonné, je t’avais promis … Sarah, ne lâche pas, non ….

Puis aussi rapidement qu’elle eut commencée, la crise se termina, laissant un silence quasi surnaturel. Héléna partit, ne savant plus quoi faire, après avoir remarqué que sa fille s’était endormie. Vers vingt heures du soir, Jean toqua à la porte. Il entra, avec un plateau de nourriture.

- Milène, tu es certaine que tu ne veux pas man … Milène?

Le lit était vide. Jean regarda dans tous les recoins de la chambre pour voir si sa fille s’était cachée. Rien. La chambre était vide. Paniqué, il descendit les escaliers, manquant de débouler par deux fois. Il cria :

- Héléna! Milène a disparu! Appelle la police, je crois qu’elle est partie!

Sa femme se jeta sur le téléphone. Il se suivit alors une longue attente. Les policiers commencèrent les recherches. À des lieux de là, une forme se dessinait sous la pluie. Une jeune fille, totalement trempée et encore en pyjama, marchait en traînant les pieds. Elle s’arrêta au bord d’un ravin, le vent lui fouettait le visage, dispersant les larmes qui roulaient sur ses joues. Sa voix s’éleva, faible :

- Sarah, je t’ai abandonnée. Ma vie sans toi n’est rien. Mais je peux arranger ça. Oui, je vais arranger ça, ne t’inquiète pas.

Un sourire apparut sur son visage :

- Tu sais, t’avais raison. J’ai vraiment l’air d’avoir perdu un combat de catch avec un oiseau …

Milène écarta les bras, tandis que le vent lui répondait en sifflant fort. Elle leva les yeux vers le ciel. D’une voix chevrotante, la jeune fille dit :

- Attend moi mon amie, ma sœur. J’arrive!

Sans aucune hésitation, elle fit un pas vers l’avant. Le vide l’engloba et la gravité reprit ses droits. En tombant, Milène ferma les yeux et dit :

- Je serais avoir toi mon amie … pour l’éternité …